Chapitre 1 - Début d'un long voyage
Chapitre 2 - Retrouvailles
Chapitre 3 - Dure réalité
Chapitre 4 - Fragments du passé
Chapitre 5 - Discussion hors du commun
Chapitre 6 - Départ interrompu
Chapitre 7 - Dans cette fameuse forêt
Chapitre 8 - Dure vie...
Chapitre 9 - 1914
Chapitre 10 - Chez les De Sous-Bois
Chapitre 11 - Madame de Sous-Bois mère
Chapitre 12 - Margaret
Chapitre 13 - Tourments et pâquerettes
Chapitre 14 - Sans elle
Chapitre 15 - Jeux de dames
Chapitre 16 - Arnold
Chapitre 17 - Procrastination
Chapitre 18 - Invitation avec le potentiel futur
Chapitre 19 - À l'écoute d'une planche de bois
Chapitre 20 - La véritable rencontre d'une arrière-grand-mère tyrannique (et la dernière)
Chapitre 21 - T
Chapitre 22 - À plus tard
Chapitre 23 - Retrouvailles bis
Chapitre 20 - La véritable rencontre d'une arrière-grand-mère tyrannique (et la dernière)

Alice était tout simplement détruite.

Et pour cause :

« Je crois que c’est la première fois que je me dispute aussi fort avec Mère », sanglotait-elle dans son mouchoir.

Ambre s’en étonna.

Elle croyait vraiment que Mme De Sous-Bois était une femme horrible, qui n’attendait qu’une chose, c’est de jeter sa colère sur sa plus jeune fille.

Et là, elle lui disait que c’était la première fois qu’elle se disputait aussi fort avec elle…

Bon, certes, ce n’était pas une discussion de plaisir qui venait de se dérouler là.

Mais Ambre était persuadée que Mme de Sous-Bois pouvait faire bien pire… non ?

Elle n’osa pas faire part de ses pensées à Alice.

De toute façon, elle fait la même chose avec moi, pensa t-elle. Elle me cache la plupart de ses sentiments.

René tentait de la consoler :

« Cette vieille mégère n’a eu que ce qu’elle devait avoir, tu sais. »

Alice haussa les épaules.

Il poursuivit :

« De toute façon, André de la machin-chose est déjà fiancé, tu n’es même pas coupable ! Et puis, je suis sûre que tu viens d’avoir une bonne vengeance, là, non ?

— Margaret me disait toujours que la vengeance…

— … C’était mal, termina René. Ça dépend pour qui, mais sur le coup, ça soulage, non ? »

Alice haussa de nouveau les épaules.

« De toute façon, M. André de la Houssaye n’aurait jamais voulu de moi, s’attrista t-elle subitement.

— Et alors ? Répliqua Ambre. Tu t’en fiches ! Tu ne l’aimes pas !

— Je sais… mais… »

Ambre ne put s’empêcher de laisser échapper un léger soupir d’exaspération.

Cette enfant ne savait plus ce qu’elle voulait, et ça commençait à lui porter sur le système.

Ces temps-ci, ses nerfs étaient tellement rapidement consommés…

« Bon, allons nous coucher, suggéra René, qui sentait la tension grandir. On y verra plus clair demain.

— Demain, répéta Alice. Demain, je partirai.

— Non, Alice, demain, tu ne feras rien du tout, coupa Ambre abruptement. Personne ne part nulle part. 

— Et pourquoi ? »

Ambre ne répondit jamais à cette question.

                                                                    ***

Les paupières d’Ambre s’ouvrirent lourdement, retombant dans la salle de bain de la demeure De Sous-Bois.

Il y avait quelqu’un.

Alarmée, Ambre dévisagea la salle de bain où elle s’était endormie, cherchant une cachette où s’y jeter, mais par chance, la personne derrière la porte ne semblait pas vouloir prendre de bain, puisqu’elle continua son chemin.

Peut-être est-ce Alice qui me cherche ? 

En effet, comme quasiment chaque nuit, Ambre se réfugiait dans la salle de bain, mais elle ne prévenait jamais ni Alice, ni René, qui dormaient déjà à poings fermés en général.

Prudemment, la jeune femme passa la tête dans le couloir, assez rapidement pour apercevoir un jupon et une vague silhouette disparaître dans l’escaliers de colimaçons.

Non, ce n’était pas elle.

En revanche, cette personne semblait monter vers une pièce bien particulière…

En à peine quelques instants, Ambre se retrouva dans l’escaliers à son tour, prenant garde à ne pas faire grincer les marches, et à ne pas cogner sa tête dans les marches du dessus.

Elle bifurqua au dernier étage, plongé dans une profonde obscurité et dans un profond silence.

Seules les fenêtres mansardées creusées dans le mur révélaient à Ambre l’endroit où elle se trouvait : le couloir juste avant la salle de séjour.

Et dire qu’il y a quelques semaines, elle se tenait là, en 2017, ignorant tout ce dont il allait lui arriver…

Là-bas.

La porte.

La porte du salon de séjour, là où sa grand-mère passait son temps à dormir, ou à fixer son téléviseur éteint.

Elle n’était même pas fermée…

D’autant plus qu’aucune lumière ne s’échappait par les rainures et les gongs, la pièce était donc plongée dans le noir, il ne pouvait y avoir personne…

Ambre posa une main sur la poignée froide et dorée.

Une bibliothèque.

Une chambre d’amis.

Un terrarium géant !

Non, peut-être pas cette dernière option.

Elle fit pivoter la poignée, et la porte tourna sur ses gongs, doucement, presque silencieusement.

Elle entra dans la pièce, le cœur battant de curiosité. Elle tourna la tête de tout les côtés, à la recherche d’une silhouette humaine, qui la ferait battre en retraite tout de suite.

Elle ne la vit pas tout de suite, cette silhouette.

Pourtant, elle était bien là, au fond de la pièce, face à la fenêtre, à côté d’un chandelier, dont elle allumait les bougies une par une, lentement.

Elle frottait avec délice les allumettes, le craquement faisant tressauter sa peau.

Puis, au bout du petit bâtonnet de bois, de la flammèche émanait une douce chaleur, qui léchait ses doigts. Il y avait également une agréable odeur qui s’élevait — l’odeur du feu.

Mais ça, Ambre ne l’avait pas vu.

Elle s’avançait, refermant délicatement la porte derrière elle, et dévisageait la pièce mansardée, ses fenêtres éclairées de l’extérieur, ce que l’on pouvait voir du parquet sous ses pieds.

La pièce était… étrange. Sans ses cartons, ses dizaines de meubles, et surtout, sans ce mur réparé…

Était-ce un bureau ?

« Puis-je savoir ce que vous faites ici ? »

Et enfin, Ambre la vit, cette silhouette.

Paniquée, elle fit demi-tour, et s’apprêtait à partir en courant, lorsque la voix l’arrêta :

« Approchez, que je puisse vous voir. »

La jeune femme mit quelques secondes à associer le timbre à sa propriétaire : Mme De Sous-Bois.

À présent, le chandelier étant déjà un peu plus fourni en lumière, Ambre distinguait sa grande robe, sa fine taille emprisonnée dans son corset, et sa coiffure, qui s’étalait en hauteur.

« Venez me voir, vous dis-je ! »

Ambre s’approcha d’un pas mécanique, vers son arrière-grand-mère.

Cette dernière terminait d’allumer la dernière bougie du chandelier, puis se détourna, en un somptueux bruit d’étoffe.

Pour la première fois, Ambre pouvait réellement détailler son visage.

Il fallait se l’avouer : elle ressemblait tout de même beaucoup à Alice. Son haut front, ses yeux clairs, seule sa chevelure plus sombre que celle de sa fille faisait différence.

« Qui êtes-vous ? » Demanda Mme De Sous-Bois d’un ton glacial.

La réponse s’étouffa dans la gorge d’Ambre.

« Qui êtes-vous ? Répéta t-elle. Alice ! »

Alice ?

En effet, par l’absence de lumière, la fatigue et tout les évènements, Mme de Sous-Bois voyait devant elle sa propre-fille, certes plus vieille, mais c’était bien elle.

Elle s’approcha, tremblante d’émotions.

Sa fille avait déjà tant grandit… Non, ce ne pouvait être elle…

« Alice, dit-elle, chevrotante, dites-moi que vous avez cinq ans. »

Soudain, une incroyable illusion optique déforma les traits de son interlocutrice, et elle vit sa fille vieillir, vieillir, crouler sous les rides…

Sa fille allait mourir.

Et elle ?

Elle se détourna vivement devant la psyché, posée contre le mur, et porta une main à ses veilles pommettes.

Elle aussi…

Tout ça, c’était de la faute d’Alice.

Animée par une soudaine colère, elle hurla :

« ARRIÈRE, DÉMON ! »

Ambre cligna des yeux, sans comprendre, mais ce ne fut que lorsque Mme De Sous-Bois brandit le chandelier enflammé qu’elle réagit.

Tout se passa très vite : paniquée par les chandelles incandescentes, elle donna un coup de pied dans la main porteuse du chandelier, et il ne fallut que quelques secondes pour que ce dernier ne se retrouvasse à terre.

Aussitôt, les flammes s’élevèrent, s’étirèrent, grossirent de toutes parts.

Terrorisée, Ambre sentit son cœur s’arrêter.

La chaleur commençait à lui dévorer la peau, le parquet semblait se ramollir, et les murs, fondre.

Et le pire, c’était que les larmes d’Ambre étaient devenues vapeur.

Les flammèches couraient au sol, engloutissaient les lattes de bois.

La porte. La porte !

Ambre fit volte-face, et courut à s’en déboîter le bassin. Elle vit avec horreur une mèche de ses cheveux blonds s’enflammer, mais par une chance miraculeuse, elle s’éteignit en à peine quelques secondes.

Elle dévala les escaliers quatre à quatre, elle manqua d’en tomber en avant. Une fois arrivée à l’étage inférieur, elle toussa de plus belle, sentant ses joues cramoisies.

Alice et René.

Le feu était derrière elle, mais plus pour longtemps…

Elle s’élança dans le couloir, et au bout, tourna à droite, avant d’ouvrir brutalement la porte de la chambre d’Alice.

« ALICE, RENÉ !! Cracha t-elle d’une voix hystérique. RÉVEILLEZ-VOUS !! »

René se leva d’un coup de ses draps, le visage imprimé de la marque de l’édredon, les yeux inexacts par l’absence de lunettes.

« Que… quoi ?

— IL Y A LE FEU !! »

Elle l’attrapa par les épaules, le jeta presque à la porte, et couru au lit d’Alice, qu’elle tira jusqu’au couloir.

© Grisoubook ,
книга «Mamie».
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