« Bon… »

Alice se pencha au rebord du puits.

« Il faut vraiment sauter dedans ? » Demanda t-elle à Ambre, méfiante.

La jeune femme acquiesça.

« C’est ce que j’ai appris.

— Mais comment savons-nous dans quelle époque nous serons propulsés ? Fit René, inspectant les pierres du puits. Il n’y a pas une espèce de machine où l’on peut régler la date ? »

Ils cherchèrent tout les trois aux alentours du puits, mais ils ne trouvèrent rien qui ne correspondait à leurs attentes.

« C’est le hasard qui jouera pour nous, affirma Alice.

— … Mais si on allait dans une époque encore pire que toutes celles qu’on a connues jusqu’à présent ? S’inquiéta subitement René.

— Tant pis, répondit gravement la jeune fille. Au moins, j’aurai un ami avec moi. »

Elle se tourna vers Ambre, puis, après l’avoir dévisagée quelques secondes, elle demanda :

« Et toi… tu vas rentrer chez toi ? »

Ambre hocha la tête.

« Tu ne veux pas venir avec nous ? Fit René, qui passait déjà une jambe par-dessus le muret du puits. Tout les trois, ce serait bien, non ? »

Cette fois, Ambre secoua la tête :

« Non non… Mon époque, j’y tiens. Là-bas, j’ai des amis, de la famille… »

Son regard s’attarda quelques brefs instants sur Alice.

« … Et je tiens à la vie que j’ai laissée », termina t-elle.

Alice suggéra :

« On pourrait venir avec toi ! »

Mauvaise idée.

Ambre n’était pas contre le fait, mais elle savait que ce genre de voyage dans le temps n’était pas toujours sans risque.

« Non non non, vous n’aurez pas votre place là-bas. Je vous assure. »

Alice finit par s’avouer vaincue.

René l’invita à prendre place sur le muret du puits, les jambes pendantes dans le vide.

« Il y a de l’eau, au fond ? Demanda Ambre.

— Oui, juste ce qu’il faut, je pense, acquiesça Alice. Bon, eh bien… »

Elle se tourna, et fit un signe de la main :

« Alice de Sous-Bois et René Nerri vous souhaite un bon retour chez vous ! »

Nerri ?

René Nerri ?

Mais Ambre n’eut même pas le temps de réagir qu’ils se laissèrent tomber au fond du puits. Après trois secondes d’ultime angoisse, elle entendit avec soulagement un grand éclat d’eau. Elle se pencha à son tour, et se rendit compte qu’ils n’étaient déjà plus là.

En contrebas, l’eau du puit s’agitait sous l’impact.

Un doux murmure résonna le long de la paroi :

                                                                         1er mai 1945.

                                                                             ***

C’était à elle, à présent.

Ambre inspira un grand coup.

Pourvu qu’elle arrive à rentrer, saine et sauve…

Pourvu qu’Alice et René aient réussi à atterrir non loin d’un bâtiment où ils pourraient se reposer…

Peut-être Alice allait-elle retrouver son cousin ?

Ambre se posa sur le muret de pierres.

Une jambe.

Puis l’autre.

Les mains crispées contre les briques, elle balança timidement ses pieds dans le vide.

2017. Je veux rentrer en 2017.

Il étant grand temps.

Une respiration.

Puis Ambre glissa le long de la paroi.

Les murs râpèrent sa peau, l’air s’engouffra violemment dans ses narines, ses cheveux, lorsque soudain, son corps rentra brusquement en collision avec l’eau.

La surface s’éloignait au-dessus de sa tête. Paniquée, Ambre se débattit, sentant ses poumons qui commençaient brûler sous le manque d’oxygène.

Sa tête émergea de l’eau…

Ou pas.

De la boue ?

Ses pieds se posèrent au sol, et elle glissa dans une grande flaque de boue, couverte de la tête aux pieds.

Une fine bruine fit couler la mixture terreuse le long de ses joues.

Elle porta ses doigts à son front, effleurant délicatement.

La maison.

Elle était juste là.

La lanterne était allumée.

Et les murs sales lui confirmaient : oui, elle était bien rentrée en 2017.