Chapitre 1 - Début d'un long voyage
Chapitre 2 - Retrouvailles
Chapitre 3 - Dure réalité
Chapitre 4 - Fragments du passé
Chapitre 5 - Discussion hors du commun
Chapitre 6 - Départ interrompu
Chapitre 7 - Dans cette fameuse forêt
Chapitre 8 - Dure vie...
Chapitre 9 - 1914
Chapitre 10 - Chez les De Sous-Bois
Chapitre 11 - Madame de Sous-Bois mère
Chapitre 12 - Margaret
Chapitre 13 - Tourments et pâquerettes
Chapitre 14 - Sans elle
Chapitre 15 - Jeux de dames
Chapitre 16 - Arnold
Chapitre 17 - Procrastination
Chapitre 18 - Invitation avec le potentiel futur
Chapitre 19 - À l'écoute d'une planche de bois
Chapitre 20 - La véritable rencontre d'une arrière-grand-mère tyrannique (et la dernière)
Chapitre 21 - T
Chapitre 22 - À plus tard
Chapitre 23 - Retrouvailles bis
Chapitre 13 - Tourments et pâquerettes

« Eh, madame ! Eh !! »

Ambre grogna dans son sommeil, fatiguée, se retournant entre ses édredons.

« Hmmmpfh ?… bougonna t-elle, les yeux encore clos.

— Madame, réveillez-vous, il est huit heures passées !… »

Huit heures passées ?… Mais qui se réveille à cette heure-là ?…

Ambre finit par décoller douloureusement ses paupières l’une de l’autre.

La lumière inonda son champ de vision, et elle découvrit la silhouette floue de René.

Ambre grogna de nouveau.

« Elle est où, Alice ?…

— Partie. Elle avait cours d’équitation, je crois. »

Enfin, les traits de René devinrent nets aux yeux d’Ambre.

Elle se leva de ses draps, et contempla les lieux un court instant, se re-situant dans l’espace.

Elle était exténuée… elle aurait tant voulu dormir encore une heure ou deux, ou plus si on le lui permettait.

Soudain, la conversation de la veille avec Margaret lui revint en mémoire, et toute fatigue s’envola : elle sauta sur ses pieds, et courut à la fenêtre.

René la suivit du regard, sans comprendre.

« Euh… qu’est-ce qui se passe ? »

Ambre ne prit même pas la peine de lui répondre ; elle braquait sur la forêt un regard analytique et enquêteur, à la recherche du puits.

Mais de là où elle était, elle ne le trouva pas.

« Il faut que j’aille dehors », affirma t-elle.

Elle souleva le loquet qui fermait la fenêtre, et, une fois ouverte, elle se pencha à son rebord, toujours le regard fixé sur la forêt.

« Faites attention ! S’alarma René. Vous allez tomber ! »

La jeune femme cligna des yeux, et se rendit compte qu’elle était en effet très penchée. Elle revint dans la chambre d’Alice, refermant la fenêtre :

« Il faut qu’on aille dans la forêt.

— Pourquoi ça ?

— Vous verrez. »

Ambre ne voulait pas leur faire de faux-espoirs ; si le puits n’existait pas, René comme Alice auraient espéré pour rien.

« Bon. Et nous, on doit faire quoi ? Demanda t-elle, se laissant tomber sans retenue sur le fauteuil près de la cheminée éteinte.

— Attendre, sans faire de bruit, sans parler trop fort.

— Ici ?

— Oui. Alice m’a dit que ses cours terminaient à midi, et qu’après, elle avait tout un après-midi de libre à nous consacrer. »

Midi ?! On va attendre quatre heures dans cette chambre ?!

Ambre soupira rien qu’à l’idée.

Mais qu’allaient-ils bien pouvoir faire durant quatre heures de silence ?

                                                               ***

Finalement, le temps passa bien plus vite qu’elle ne l’eut cru. Elle s’intéressa aux titres de livres de la bibliothèque d’Alice, et y trouva des auteurs connus comme inconnus, tels que Alexandre Dumas, ou d’un certain H. J.Pierre, dont les nouvelles semblaient charmer la jeune femme.

Parfois, Margaret passait, pour faire une lessive, nettoyer, ou autre. Mais c’était à peine si elle était étonnée de les voir.

Aussi, Ambre s’adonnait à la nouvelle passion qu’elle s’était découverte : manipuler les objets d’une ancienne époque.

René étant d’autant plus d’une très bonne compagnie, elle passa une agréable matinée, bien qu’enfermée dans la chambre d’Alice.

Lorsque cette dernière revint de ses cours divers et variés, elle prit bien garde de refermer la porte derrière elle.

« Ça va ? Souffla t-elle. Personne ne vous a repérés ? »

Ils firent non d’un signe de tête.

« Bien. »

Elle se laissa tomber dans son fauteuil, près de la cheminée, en soupirant.

« Bon… qu’est-ce qu’on fait ? Demanda t-elle. Par chance, nous avons toute la demeure pour nous : Albertine et Mère sont parties en ville, et n’ont pas voulu de ma compagnie. Elles vont rendre visite à je ne sais qui… Il n’y a que Margaret, et quelques domestiques, mais ils ne diront rien. 

— Il faut aller à la forêt ! » S’écria Ambre.

Alice la regarda, dubitative.

« Mais… euh… pourquoi donc ? fit-elle.

— Je sais pas, répondit René à la place de la jeune femme. Dès qu’elle s’est levée, elle m’a dit la même chose…

— Vous ne serez pas déçus, promit Ambre. En plus, il fait tellement beau… »

C’était vrai : un doux soleil d’octobre caressait les feuilles, et il n’y avait quasiment pas de vent.

« C’est vrai, approuva René. Je suis d’accord. »

Seule Alice semblait un peu réticente.

« Dehors ? Répéta t-elle. Mais que voulez-vous faire là-bas, la seule chose à faire, c’est soit lire, soit faire un pique-nique ! »

                                                                 ***

René et Ambre réussirent à convaincre Alice, et à présent, ils se retrouvaient dans les jardins, sur les vastes pelouses bien entretenues.

« Bon. Et maintenant ? Qu’est-ce qu’on fait ? Interrogea Alice, qui semblait déjà s’ennuyer, et ne profitait même pas du paysage.

— Allons au jardin de derrière ! S’exclama Ambre, enjouée.

— Au quoi ?

— À la forêt. »

Alice haussa un sourcil.

« Mais avant-hier, vous me disiez que la forêt, c’était dangereux… »

Ambre bidouilla une excuse disant que la forêt n’était vraiment dangereuse que de nuit, et elle s’élança vers la forêt.

« Vous ne venez pas ? S’étonna t-elle, voyant qu’Alice et René n’avaient pas bougé d’un pouce.

— Euh… je n’en ai pas trop envie, avoua Alice, piteuse, fixant ses pieds.

— Je vois pas trop ce qu’on pourrait faire dans une forêt », renchérit René.

Ambre sentit la colère monter subitement, mais elle se calma :

« Bon, j’irai toute seule. Je vous rejoindrai tout à l’heure. »

C’est vrai, je n’ai pas besoin d’eux pour retrouver le puits… je les avertirai quand je l’aurai trouvé.

Et, sur ce, elle se détourna, et s’enfonça entre les premiers arbres qui bordaient la forêt.

                                                                    ***

Ambre venait de pousser son millième juron en à peine l’espace d’une heure.

Elle avait beau fouiller la forêt de fond en comble, tout en prenant garde à ne pas s’y perdre, il n’y avait aucune trace de ce maudit puit.

Mais c’est pas possible, se lamentait-elle, la forêt semblait tellement plus grande la dernière fois…

Elle avait déjà l’impression d’en avoir fait plus d’une fois le tour.

Fulminante et énervée, elle remettait la faute sur Margaret :

« Si ça se trouve, cette vieille s’est payée ma tête. Elle n’avait que ça à faire. »

Elle expédia un coup de pied dans l’une des imposantes racines d’un vieux chêne qui se trouvait là, mais l’écorce s’était révélée plus résistante que prévue : Ambre en gémit de douleur, se massant l’orteil à travers sa chaussure.

Il ne lui restait plus qu’à rentrer…

Elle quitta la forêt, vexée, et fit le tour de la demeure, se dirigeant vers la cour d’entrée.

Et elle aperçut avec stupéfaction qu’Alice et René étaient toujours dehors, assis sur l’une des vastes pelouses vertes qui bordaient les allées de gravier, discutant et… taillant des pâquerettes.

« Ah ! Vous revoilà ! S’exclama Alice. On commençait à croire que vous vous étiez perdue…

— C’était bien ? » S’enquit René.

Ambre lui expédia un regard noir.

« Ça pouvait aller », grinça t-elle.

Elle prit une profonde inspiration.

René ne méritait pas sa frustration, il fallait qu’elle se calme.

Voyant les pâquerettes coupées, elle demanda en les pointant du doigt :

« Qu’est-ce que vous faites ?

— Des bracelets de pâquerettes, répondit René. Ma sœur m’avait appris à les faire, mais j’étais vraiment tout petit… et j’ai oublié. »

Il tendit à Ambre une ébauche de bracelet, composé de deux pâquerettes reliées maladroitement par les tiges.

Eh ! Regarde !

Une petite fille aux cheveux bouclés était assise sur la pelouse, ses cheveux d’or rayonnant à la lumière du Soleil.

Regarde, Ambre ! Je suis une princesse !

Elle posa délicatement un diadème de pâquerettes sur sa chevelure, la rendant plus magnifique encore.

Tu veux être une princesse, Ambre ?

Sous les yeux médusés d’Alice et René, Ambre s’agenouilla sans un mot, attrapant une première pâquerette, dont elle perça la tige de son ongle.

Voilà ! Et là… Tu passes comme ça !

Les petites mains de l’enfant s’activaient autour des pâquerettes, les liant en à peine quelques instants.

Et tu fais une boucle…

Ambre, surprise, voyait peu à peu une petite liane de pâquerettes se former dans sa main.

« Waouh ! Souffla René, impressionné. Tu as fait ça toute ta vie, on dirait !

— Toute ma vie d’enfance, sourit Ambre. C’est ma cousine qui m’a appris. »

René et Alice sourirent à leur tour, et s’agenouillèrent auprès d’Ambre, réclamant des cours particuliers de tissage de pâquerettes.

Oublié, le puits, qui devait certainement se cacher quelque part entre deux misérables arbres de la forêt. Tout allait mieux, maintenant.

Ils tressèrent des dizaines et des dizaines de guirlandes de fleurs blanches, et passèrent une excellente après-midi, baignée dans les rayons chaleureux du soleil, entourés de fleurs sauvages, riant et bavardant de tout et n’importe quoi.

Puis, vers dix-sept heures et quelques, alors que le jour commençait à décliner, Margaret fit son apparition dans les jardins, affolée :

« Demoiselle Alice ! Elles reviennent ! »

Elles faisant référence à Albertine et Mme De Sous-Bois.

Alors, ils laissèrent là leurs couronnes et bracelets, et coururent se réfugier dans la chambre d’Alice.

« Tu as gardé un bracelet ? S’étonna Ambre.

— Oui, je le trouvais vraiment réussi, celui-là, avoua Alice. Merci beaucoup de m’avoir appris comment en faire ! »

Et, sans y réfléchir, elle plongea en une profonde et respectueuse révérence, tête inclinée.

Ambre rougit, très fière d’elle.

Tout à coup, on toqua à la porte.

Alice adressa un regard à Ambre et René, et tout deux comprirent instantanément qu’il était grand temps de se cacher.

Cette fois, René opta pour se cacher avec Ambre, sous le matelas du lit à baldaquin. Ils y étaient un peu serrés, mais l’important, c’était qu’ils passaient.

Albertine et Mme De Sous-Bois rentèrent sans même attendre l’autorisation d’Ambre, en une tornade de froufrous et autres jupons :

« Alice, oh, Alice ! S’exclama théâtralement Albertine. Vous auriez tellement dû être présente à l’invitation de Mme De la Houssaye !

— D’ailleurs, elle n’a pas apprécié votre absence, souligna Mme De Sous-Bois. Le repas était un peu tendu au départ, par votre faute.

— C’est vous qui aviez insisté pour que je ne vienne point, répondit glacialement Alice. Que j’allais vous couvrir de honte. Et puis, de toute façon, je ne serais point venue.

— Oh que si ! Poursuivit Albertine. Sachez que Mme De la Houssaye a un fils, et qu’il est seul !

— Nous lui avons proposé de vous rencontrer », hocha la mère.

La réponse d’Alice fut immédiate :

« Désolée, mais je ne suis pas intéressée.

— Il le faudra ! Voulez-vous terminer vieille fille ? Grinça Albertine.

— Dans tout les cas, nous l’avons déjà invité à l’heure du goûter d’ici quelques jours, donc il faudra bien que vous le rencontriez, ce jeune homme. »

Alice soupira.

Ambre se sentit peinée, de voir sa grand-mère impuissante face aux évènements.

« J’vais m’les faire », marmonna à voix basse René, dont les poings étaient serrés par la colère.

« Vous parliez seule, très chère ? Fit soudain Albertine d’une voix d’ange. Ce n’est pas la première fois…

— Avez-vous des problèmes d’auditions ? S’exclama Alice. Non non, je ne parle pas seule !

— Alors, parliez-vous à quelqu’un ? »

Madame de Sous-Bois avait un ton qui ne valait mieux pas contrarier.

Alice secoua vivement la tête.
« Mais non ! Je parlais à Margaret tout à l’heure, mais c’était il y a longtemps !… 

— Ah, et au fait, pourquoi les pelouses sont à présent dépourvues de fleurs, et recouvertes de guirlandes fleuries ? »

Merde…

Ambre s’en voulu terriblement de ne pas y avoir pensé plus tôt.

Ils avaient réussi à cacher à temps les draps, les assiettes en plus, tout, sauf les pâquerettes.

L’aventure s’arrêtait-elle donc là ?…

« Pour le village, répondit précipitamment Alice. Margaret voulait leur offrir des guirlandes pour les fêtes. »

Albertine et Mme De Sous-Bois semblaient moyennement convaincues.

Finalement, après avoir longuement insisté, elles décidèrent qu’il était inutile de pousser d’avantage Alice ; elles quittèrent la chambre, sans même refermer la porte.

                                                                     ***

Troisième nuit.

Restée éveillée comme à son habitude, Ambre fixait le plafond, plongé dans une semi-obscurité, baigné de reflets orangés du feu qui crépitait dans la cheminée.

Comment faisait René pour s’endormir aussi paisiblement ? C’était presque s’il ronflait d’aise.

Ambre s’était rendue compte qu’elle avait totalement oublié sa défaite du puits.

Et elle se rendit compte qu’en fait, elle était vraiment bien, ici.

C’était vrai : elle venait de passer une formidable journée avec Alice et René, et pouvoir partager des activités avec sa grand-mère l’avait comblée de bonheur.

Son regard glissa sur la table de chevet, à côté du lit à baldaquin d’Alice, où reposait le bracelet de pâquerettes, dont les pétales commençaient déjà à prendre des teintures violettes, fanées.

Rien ne presse, se convainc Ambre, se détournant dans ses draps. On peut rester ici encore quelques temps… ça ne mange pas de pain.

Et puis, finalement, retourner dans son époque ne l’intéressait plus autant que ça. Même si sa famille continuait de lui manquer un peu, ses amis, son quotidien…

Demain. Je lui dirai demain.

Mais le lendemain, elle ne lui dit pas.

© Grisoubook ,
книга «Mamie».
Chapitre 14 - Sans elle
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Perdix
Chapitre 13 - Tourments et pâquerettes
MAIS DIS-LUI !!!!!!!!
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2020-10-17 10:37:57
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