C’était le grand jour.
« Demoiselle Alice… ils sont arrivés… »
Margaret venait de faire irruption dans la chambre, une pile de linge sous le bras.
Alice, qui était assise sur son fauteuil, en train de lire, bondit sur ses pieds, apeurée.
« Margaret, je ne peux pas y aller… gémit-elle, couvrant ses yeux de ses mains.
— Ce n’est qu’un goûter… » la consola la vieille dame.
Ambre, qui était assise par-terre, en train de disputer une partie d’échecs avec René, se sentit immédiatement attristée.
« Non Margaret, ce n’est pas qu’un goûter : Mère envisage sérieusement de me marier avec M. André De la Houssaye !… Et moi, je ne veux pas, je veux rester ici, avec René et Ambre ! »
Puis elle ajouta d’une voix chevrotante :
« Si seulement je pouvais partir d’ici… »
Margaret fronça les sourcils, et adressa à Ambre un regard interrogateur, et presque accusateur.
Tu ne lui as pas dit ce que je t’ai dit ? À propos du puits ?
C’était clairement ce que signifiait ce regard.
Ambre baissa les yeux, honteuse.
Non, elle n’avait même pas eu la force de reprendre les recherches.
Elle aurait dû… René l’avait dit lui-même : lui et Alice n’attendent qu’une chose, c’est de pouvoir aller dans une autre époque que la leur.
René avait déjà réussi. Mais il restait Alice.
Mais Ambre se sentait tellement bien en leur compagnie…
René coupa le lourd silence qui s’était installé :
« Au pire, tu fais n’importe quoi. »
Alice écarquilla les yeux.
« Mais veux-tu ma mort ? Mère va me tuer, si je laisse ne serait-ce qu’une petite miette de biscuit tomber sur ma robe ! »
René haussa les épaules.
Margaret intervint :
« Alice, vous n’avez jamais vu ce jeune homme. Si ça se trouve, il est plutôt bel homme, et vous vous entendrez très bien !… »
Ambre sentit René tressaillir en face de lui, mais il ne dit rien.
Alice soupira lourdement, et elle finit par se laisser guider par Margaret, qui la traînait hors de la chambre gentiment par les poignets.
« À tout à l’heure. »
Elle referma la porte.
Ambre revint à sa partie d’échec, et s’apprêtait à bouger son cavalier, lorsque René lui demanda :
« Tu l’as déjà vu, l’autre type ? »
Ambre fronça les sourcils, sans comprendre.
« L’autre type ? Répéta t-elle.
— De la Houssaye-machin-chose. »
Ambre sentit une pointe de mépris dans ses mots, ce qui la fit pouffer.
« Quoi ? Bougonna René.
— Non non, rien. Non, je n’ai jamais vu cet homme. »
Et elle demanda, innocente :
« Pourquoi ?
— … Non non, rien. »
Pourtant, alors qu’il semblait mener la partie qu’ils jouaient, il perdit d’un coup trois pions en moins de cinq coups.
Et quand il vit que le mat n’était pas loin, il se leva.
« Je sais ce qu’on va faire. »
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