Deux ombres sortent d’une immense maison en courant, échappant aux sirènes ainsi qu'aux lumières des gyrophares. Les cris des policiers et le bruit de leurs pas font augmenter l'adrénaline à ces deux corps fuyants. De fins sons métalliques sont perceptibles. Les agents de polices ont dégainé leurs pistolets. Ils sont prêts à tirer.
Le premier fugitif attrape le bras du second pour accélérer sa cadence et éviter qu'il se fasse attraper.
Leurs cœurs battent la chamade, leurs jambes les supplient de s’arrêter. Ils ne peuvent pas se le permettre. Leurs respirations deviennent de plus en plus bruyante. On pourrait croire qu’ils commencent à s’étouffer.
Quand ils tournent dans la rue un bruit sourd retenti, suivit très rapidement d'un choc. Il s'agit d'un officier qui a tiré dans leur direction, mais étant donné qu'ils ont bifurqué dans une autre direction plus tôt la balle se loge dans le mur d'une habitation.
Les deux silhouettes finissent par leur échapper en empruntant une infinité de petites ruelles sombres, délabrées.
Ce sont une fille et un garçon qui ont fui forces de l’ordre, les deux stoppent leur fuite pour reprendre leur souffle. La jeune fille s’assoit par terre, pour le plus grand bonheur de ses jambes. Le garçon reste debout. Il utilise sa main pour se ventiler. Après une telle course, il est plutôt dangereux de s’arrêter brusquement. Un corps non soumis à une ventilation après une activité physique peut voir sa température corporelle augmenter. Elle peut même dans de rares cas, quand l’effort a été très intense et long, dépasser le seuil tolérable.
L’adrénaline baisse doucement, les souffles se calment peu à peu, les deux jeunes se regardent droit dans l’œil. Le jeune homme remarque que la fille possède un bandage à l’œil droit, quant à cette dernière, elle remarque que le garçon possède un bandage à l’œil gauche. La jeune touche son poignet, celui que le garçon a pris, le massant délicatement.
« Tu es réel, murmure-t-elle, et tu as bien changé. »
Surpris par ses dires le jeune garçon ne peut s’empêcher d’ouvrir encore plus son œil et de prendre une grande inspiration. Il regarde un peu partout avant d’expirer lentement et de regarder à nouveau la jeune fille, curieux.
« Donc tu me voyais, demande-t-il d’une voix presque absente, tu me voyais vraiment ?
- Bien sûr que je te voyais, répond-elle avec le sourire avant de demander, pourquoi ? Je n’aurais pas dû ? »
Le jeune homme se retrouve plongé dans ses pensées : bien sûr que non tu n’aurais pas dû me voir, pense-t-il. Depuis tout ce temps où ils interagissaient, ce n’était pas lui qui suivait ses mouvements, c’était bel et bien elle qui le suivait, lui ! Depuis tout ce temps il a cru qu’elle parlait à son ami imaginaire, mais non c’était bien à lui, et non le personnage réellement fictif, avec qui elle discutait.
Ils se sont même donnés leur prénom mais elle ne l’a jamais prononcé pour l’appeler, la raison lui est inconnue. Peut-être pensait-elle au fond, qu’il n’était vraiment pas réel ?
« Et maintenant on fait quoi, demande-t-elle, on est seul ici… »
L’adolescent la regarde à nouveau, levant son regard vers le début de la ruelle puis regarde à nouveau la fille.
« Nous allons trouver un endroit pour dormir, répond-il, un endroit où les policiers n’iront pas.
- Les policiers ? demande innocemment la jeune fille. Ce sont les personnes qui arrêtent les méchants, non ? »
Il ne prend pas la peine de lui répondre, sachant pertinemment qu’elle allait demander ça. Ce handicape risque de poser des problèmes, il sait qu’elle vit dans l’ignorance totale mais elle ne s’en rend pas compte, ce qui pourrait bien lui porter un lourd préjudice. Son éducation est inexistante, il avait constaté qu’elle ne sait ni lire ni écrire et encore moins compter. Le garçon sent que son devoir est de s’occuper d’elle et de lui inculquer ce que ses parents ont refusé pour elle : du savoir.
Elle est dorénavant la petite sœur qu’il doit protéger, aimer, aider... Une sœur qu’il n’a jamais eue. Cela ne lui fait pas peur ! Il est même content de relever ce défi ! Témoin de son ancien quotidien, son esprit a été frappé des conditions dans lesquelles elle vivait. L’aider est maintenant pour lui naturel.
Après avoir longtemps marché ils s’arrêtent. Le grand frère pense qu’ils sont assez loin des policiers. Levant sa tête vers le ciel, remarquant qu’ils sont proches d’un sanctuaire sacré, il tire la jeune fille direction la fameuse bâtisse qu’il a aperçue, certain que les policiers ne vont jamais y rentrer. Ces fonctionnaires ne sont pas les bienvenues dans ces bâtiments, tant qu’ils sont en service, car les religieux ne veulent pas de guerre, de cris, des coups de feu… Par peur des représailles par les divinités qui hantent le sanctuaire.
Il ne leur a pas fallu longtemps avant d’arriver et de rentrer dans le bâtiment. Les deux être ne peuvent d’ailleurs s’empêcher de se cacher l’œil tellement que le contraste de luminosité en entrant est incroyable.
L’intérieur est constitué de métaux précieux comme l’argent, l’or ainsi que des pierres de couleurs bleu et rouge brillant de mille feux que l’on se croirait arrivé au Paradis !
Cela parait totalement improbable, surtout qu’il n’y a généralement peu de personne la nuit dans cet endroit. Les religieux disent que quand ça brille énormément, c’est quand l’une des divinités est présente, quelque part dans le sanctuaire. On a bien envie d’y croire mais rien n’indique si c’est vrai ou non.
« On devrait être tranquille maintenant, soupire le garçon
- C’est beau ici, dit la fille, c’est quoi cet endroit ?
- Le sanctuaire du quartier du centre, répond le jeune homme, c’est ici qu’on rend hommage à deux des esprits qui ont permis à la ville d’exister…
- Deux des esprits ? S’interroge la jeune »
Le jeune homme conduit la jeune fille plus loin dans le sanctuaire. Ils finissent par arriver dans une grande salle, divisée en deux, du côté droit se trouve une statue d’un jeune homme torse nu avec de longs cheveux attachés vers la fin. Son poing droit est porté à son cœur, un sourire malicieux éternellement gravé au visage. Ce côté de la salle est constitué d’or, et de cristaux rouges.
À gauche se trouve la statue d’une fille, mais comme l’autre statue on peut supposer qu’elle représente plutôt une jeune personne. Elle est pourvue d’une cape qui est ouverte, montrant ce qu’elle porte, une jupe avec une ceinture plutôt grosse à compartiments, des bottes qui elles aussi sont plutôt grosses. Ces deux mains sont portées à son cœur, au-dessus se trouve une pendeloque. Généralement en forme de poire ou de goutte, ici elle a une forme allongée irrégulière mais qui fait tout son charme.
L'adolescente contemple les statues avec émerveillement, alors que le garçon la regarde avec un petit sourire.
« D’après une légende il y’a très longtemps, commence le jeune garçon en observant la jeune fille, cinq êtres auraient sauvé la vie d’une centaine de personnes qui erraient dans une dangereuse forêt après la destruction de leur village par des combattants ennemies. Voués à une mort certaine sans aide, ces cinq êtres décident de s’occuper des humains. Ils leurs avaient trouvé une petite clairière dans la forêt, où ils pouvaient établir un campement. Ils les protégeaient aussi des dangereuses créatures qui vivaient justement dans les bois. Au fur et à mesure, d’autres rescapés les rejoignent, ils s’entraident entre eux pour faire pousser de quoi manger, construire des cabanes. Une vraie entraide est née entre ces individus, qui rend très fière ces cinq êtres. Ce petit groupe de plusieurs centaines de personnes, c’est ainsi transformé dans le temps en un vrai empire... »
La fille se tourne vers lui le regard admiratif, les yeux remplis d’étoiles. C’est la première fois qu’il la voit comme cela, il ne peut s’empêcher d’arquer un plus grand sourire et de continuer l’histoire.
« Il fut un moment où les cinq êtres décidèrent de leur laisser pleine indépendance. Ils partirent donc du jour au lendemain sans laisser de trace. Pour les remercier d’avoir sauvé leurs ancêtres, les descendants des rescapés ont décidé de leur ériger des statues, les représentant, en leur honneur. Chaque statue serait placée dans l’un des quatre quartiers de la ville. Cependant étant donné qu’ils sont cinq, ils ont décidé de mettre ces deux statues ensemble. Et d’après les religieux de ce sanctuaire ces deux statues seraient d’origine, donc feraient partie des cinq construites il y’a très longtemps !
- Woua ! S’exclame la jeune fille, tu t’y connais beaucoup toi !
- On va dire que je m’y intéressais à un moment donné, répond-il, sur ces statues et les personnes qu’elles représentent surtout qu’elles sont plutôt bien conservées.
- Et ces statues représentent qui ? Demande la jeune fille »
Le jeune homme montre la statue de droite, présentant le personnage du nom de Xanto. Puis il montre la statue de gauche en précisant que la personne sculptée s’appelle Siflora. La jeune fille regarde les statues une par une, avant de poser à nouveau une question au garçon prise d’une curiosité absolue
« Tu y crois toi ?
- Je pourrais, répond-il, mais j’ai surtout envie de voir pour le croire. »
Le jeune homme scrute plus attentivement la salle apercevant un banc au fond. Il pointe le banc pour que la fille le voit aussi et ensemble ils s’y dirigent, s’assoient l’un à côté de l’autre.
Un long silence s’installe entre les deux, le garçon tourne la tête vers sa camarade, qui se bat contre la fatigue.
« Allez allonge-toi, dit le garçon en tapotant sa cuisse, il ne faut jamais combattre la fatigue, ça épuise encore plus. »
La jeune fille regarde son interlocuteur avant de s’allonger, timidement, posant sa tête sur sa cuisse le regard tourné vers le plafond peint. Elle n’a même pas le temps de détailler la fresque entièrement qu’elle s’endort. Le jeune garçon sourit, caressant délicatement la tête qui se repose sur sa cuisse, soupirant silencieusement. Il essaie de se remémorer un évènement qui s’est passé avant qu’ils ne fuient la police.
Cris, rugissements, lumière aveuglante. Il ne se souvient plus de ce passage-là, qui est pourtant si important. Ce qui lui a permis de retrouver une enveloppe charnelle assez stable. Il effleure la partie gauche de son cou avec sa main droite. C’est une preuve suffisante que son corps est biologiquement incorrect. Son corps est faux, mais son esprit est bel et bien là.
Vit-il à dans la réalité ? Est-ce que tout ceci, le passé et le présent, seraient aussi faux ? La pression causée par la tête de la jeune fille sur sa cuisse lui dit que c’est bien réel, mais est-ce que le faux peut être réaliste ?
Tellement de questions lui viennent soudainement, mais aucune réponse claire ne lui vient. La fatigue commence à pointer le bout de son nez. Il n’a pas envie de dormir mais il sera bien obligé à un moment donné. Son œil commence tout doucement à se fermer, puis s’ouvre avant de se fermer pour de bon, finissant par s’en aller au pays des rêves sous les regards de personnes bienveillantes
« Si jeunes, chuchote l’une des personnes, si innocents. Pourtant entrainés malgré eux dans une guerre inachevée…
- Il va vouloir les tuer, continue la seconde personne, pour atteindre celui qui le tient prisonnier depuis de nombreuses années… »
Les deux personnes croisent leur regard, puis observent à nouveau les deux jeunes endormis. Ils savent ce qu’ils doivent faire…