Simon, confortablement installé contre un mur dans une petite ruelle, réfléchit à ce qui s'est passé avant. Ne s'était-il pas dit qu'il prenait Mumu comme la petite sœur qu'il n'a jamais eu? Son devoir n'est-il pas de veiller sur elle? De l'aimer? De lui faire apprendre pleins de choses?
Ne disons-nous pas que ce qui est fait est fait? Peut-il toujours revenir sur sa décision malgré tous?
Aucune personne ne peut lui répondre, il pense être seul dans son coin. Mais il a assez pensé pour trouver une première réponse. Il doit cependant les retrouver pour en avoir le cœur net. Et puis tenir sa promesse avant tout.
Il prend la hache et se lève, il serait bête d'oublier ce qu'ils avaient cherché, puis se dirige vers la sortie de la ruelle.
Il n'a pas encore réfléchi un moyen de les retrouver, mais le vent pourrait-être le guider jusqu'à eux, par un heureux miracle. Pendant sa marche une silhouette vient se placer devant l'entrée de ladite ruelle avant qu'il n'y parvienne. Elle est tournée vers Simon et l'observe. Ce dernier s'arrête brusquement à la vue horrifique qui se présente à lui.
Bien que la silhouette à une allure humaine, sa peau semble calcinée, teint en un sombre violet, et collée aux os. Comment un être vivant peut-il vivre avec une telle morphologie? Et par-dessus tout, voir sans globe oculaire? De petits point blanc au fond de l'orbite semble faire office d'yeux mais cela ne change en rien sur l'avis de cette silhouette.
Simon ne bouge point, fixant la créature. Un frisson parcourt sa colonne vertébrale, des sueurs froides accompagnent. Il se demande bien ce qu’elle fait ici, tout particulièrement devant l’entrée de la ruelle, en plein milieu du chemin. Tout ceci n’est pas rassurant. L'attendait-elle ? Restant sur ces gardes, il essaie d’établir un contact
« Qui es-tu ? Pourquoi bloques-tu l’entrée de la ruelle ? Que fais-tu ? Eum… »
Il s’emmêle les pinceaux. La créature ne lui répond rien continuant de le fixer inlassablement, ce qui ne l’aide pas forcément à mieux comprendre. Mais au fond, une petite voix semble lui avoir dit de fuir. Ses jambes ne répondent pas, il est bloqué sur place coincé entre la peur et une drôle de curiosité.
Les secondes passent sans que rien d’autres ne se passe. L’atmosphère devient de plus en plus étrange au goût de Simon qui, suivit d’une étrange sensation qui délivre ses jambes de l’immobilisation, s’éloigne petit à petit de la silhouette. Il fait l’erreur de lui tourner le dos, laissant libre champ à la créature de faire ce que bon lui semble.
Il s’enfonce dans la ruelle suivie par la créature, qui tout doucement s’avance au fur et à mesure. Ses pas sont légers, comme les chats en voyant une proie : ils s’avancent doucement, posant leurs pattes sans se presser, émettant aucun bruit nuisible, s’apprêtant à sauter sur sa pauvre victime.
Le jeune se retourne, se rendant compte que la créature le suit. Il accélère la cadence, son poursuivant fait de même. Ses pas deviennent légèrement plus audibles, assez pour que Simon l’entende ne serait-ce même qu’un peu. Une forte adrénaline se propage dans tout son corps, le cœur battant de plus en plus vite.
Il se tourne une nouvelle fois, avant de courir, paniqué. Son poursuivant se met aussi à courir, et pas qu'un peu. Il rattrape une partie de la distance qui les sépare assez facilement.
Une nouvelle poussée d’adrénaline vient déranger son rythme cardiaque déjà bien rapide. Il finit par se retrouver dans un cul de sac, un grillage barrant sa route. Il s’arrête l’espace d’un instant, le temps qu’il faut pour qu’il puisse évaluer la situation. Entre temps sa rapide respiration se calme doucement.
Il décide de tenter le tout pour le tout, et malgré la fatigue qui commence à se manifester Simon escalade le grillage d’une main, l’autre tenant la hache. Avec cette dernière, il cale la pointe dans les trous du grillage pour s’aider à se hisser.
Ceci n’est pas très concluant.
Etant trop lent la créature arrive et attrape le pied de sa proie. Elle tire pour le faire lâcher. Le monstre tire trois fois environ avant que le garçon finisse par céder, et rencontrer le sol. Au moment de sa chute Simon a lâché la hache pour essayer de se réceptionner sur les mains, mais ce n’est pas très efficace. Tandis que la créature a lâché sa cheville.
Simon se tourne pour faire face à son agresseur, reculant au maximum contre le grillage. Il chercher la hache avec sa main, étant tombée pas très loin il parvient à la récupérer et la brandit tentant d’effrayer son adversaire.
L’effet attendu par Simon, est différente de ce qu’il pensait. D’un coup de griffe, égratignant la main de l’humain, le monstre le désarme. Il saute sur l’humain voulant poser ses mains sur le cou de sa victime. L'adolescent lutte contre son agresseur de toutes ses forces, mais déjà affaibli par la course et l’escalade, le monstre prend aisément le dessus. Les mains froides et osseuses de la créature se pose sur le cou chaud de Simon. Elle commence à serrer.
Elle n’y va pas de toutes ses forces évitant de l’étouffer à mort, de lui broyer le cou. Juste assez pour lui faire manquer une part d’air afin de l’affaiblir, qu’il ne puisse plus lutter, qu’il tombe dans l’inconscience tout en restant en vie.
Simon frappe tant bien que mal ces bras pour qu’elle le lâche. Il griffe la créature mais rien ne semble faire effet. Le manque d’air fait que ses efforts le fatigue encore plus, le sang n’étant plus correctement oxygéné. Ses bras deviennent engourdis, puis ses jambes. Il finit par abandonner, il ne peut plus continuer à lutter.
L’adolescent regarde la créature, ses yeux se ferment de plus en plus. Bien qu’il lutte pour les garder ouverts.
Sans prévenir, un serpent saute au cou de la créature pour la mordre. Cette dernière hurle à plein poumon, lâchant Simon pour pouvoir enlever le parasite accroché. Simon est encore trop engourdi pour pouvoir s’enfuir, il vient à peine de récupérer la possibilité de respirer à pleins poumons. Ses bras et jambes sont mou, il en a même des fourmis. Sa main blessée lui picote. Il a l’impression que tout lui fait mal
Rassemblant ses forces, il se tourne difficilement rampant comme il le peut. Son agresseur est toujours embêté par le serpent, son attention n’est plus centrée sur Simon. L’adolescent peine à avancer, sa main blessée lui fait encore mal. Il est pris de vertiges et tremblement soudain. Il se relâche. Il n’y arrive pas.
Le sol devient témoin de son échec. Simon y est allongé, les yeux fermés, mais il est toujours conscient de la réalité autour de lui.
Quant à la bête, elle peine à enlever le reptile de son cou. Elle y parvient après environ une, deux, trois minutes et lance le serpent au sol. Le reptile se redresse, comme si de rien n’était, siffle beaucoup et montre ses crocs. Ils sont tous les deux en face à face, prêt à bondir l’un sur l’autre.
« Il est là ! hurle une voix. Par terre ! Kévin il faut l’appeler, il n’est pas seul ! »
Appeler qui ? Cette question reste en suspens dans la tête de Simon. D’ailleurs, qui vient de parler ? De plus que cette voix semble le connaître.
Rien qu’en entendant des bruits de pas de plus en plus fort il sait qu’on accourt vers lui. Il dirige la tête vers la direction où les pas semblent provenir et ouvre faiblement l’œil, voyant un jeune homme habillé d’un costard gris, Molty, et l’inconnu, Kévin, qu’il a croisé avant. Ils s’agenouillent à ses côtés, le garçon en costard surveille la créature, tandis que l’adulte s’occupe de Simon. Kévin lui demande si ça va, il lui répond qu’il est encore engourdi mais que ça va.
Un peu sceptique, surtout en remarquant l’égratignure sur sa main, qui n’est pas très belle, l’adulte décide de le porter. Étant un peu plus grand, avec un corps fort, robuste en bonne santé, il le porte assez aisément. Simon finit par complétement fermer les yeux et s’endort, totalement épuisé dans les bras de Kévin
« Kévin, appelle Molty, nous avons un petit souci. »
En effet, la créature les observe, la bouche entrouverte et un filet de bave qui tombe. Ne faisant plus attention au serpent, le monstre commence à grogner. Cependant le reptile, toujours là, tente toujours d’attirer son attention pour permettre aux trois humains de s’enfuir. Dans un ultime coup, il mord à nouveau la créature, à la jambe cette fois-ci, ouvrant une issue de secours au trio.
Comprenant que c’est leur unique chance de s’en sortir, ils courent, l’un tenant toujours Simon dans ses bras essayant de ne pas trop le secouer. Il ne leur faut pas beaucoup de temps pour entendre qu’ils se font poursuivre.
« Kévin, appelle Molty, je n’en peux plus. Mon dos…
-Ne relâche pas tes efforts Molty, force Kévin, ou il ne fera qu’une bouchée de toi !
-Je souhaite te rappeler que normalement je ne peux pas courir, tellement que la douleur est censée me transpercer le dos. Je ne sais même pas comment cela se fait-il que je tienne encore debout ! »
Molty s’arrête et se tourne vers la créature. En tirant sur sa canne, il en sort un poignard. Certes petit, mais très bien aiguisé, il pourrait bien blesser la chimère. Kévin s’arrête lui aussi et ordonne à Molty de le suivre et de suite.
« Cette créature ne nous lâchera pas, répond Molty, et si elle découvre où nous nous sommes établis, nous aurons certainement la visite de ses camarades en prime. Ramène-le au repaire, je ferais tout pour couvrir vos arrières ! »
Il tient un bon point dans son discours. Kévin est partagé, il ne peut pas le laisser l’affronter seul, mais il semble porter dans ses bras ce que convoite le monstre. Doit-il fuir au risque de laisser un ami mourir, mais assurer à une personne la vie sauve ? Molty semble déterminer à vouloir les aider, ne doit-il donc pas gâcher le sacrifice dont son ami est conscient ?
Il n’a pas le temps d’y réfléchir pleinement qu’une autre personne vient à leur rescousse. Il se place devant Molty.
« Hereased, mais…
-Il n’y a pas de mais qui tienne, interrompt Hearesed, allez-vous-en, tous ! Jimmy est déjà rentré et maintenant dégagez ! »
Il pousse Molty sans remord pour le faire réagir, et fusille du regard la créature.
« C’est entre toi et moi désormais… »
Molty se hâte de rejoindre Kévin et Simon. Tous les trois partent d’un pas pressant, la boule au ventre de devoir laisser Hearesed seul, avec la créature.
Hearesed empêche la créature de les suivre. Il a des affaires personnelles à régler et combattre cette créature en fait partie.
En la battant, il montre qu’il est toujours là.
Il montre qu’ils n’ont pas réussi.
Il montre que c’est un battant.
Il montre que c’est un survivant.
Pathétique, faible, ignorant. Ce sont les premiers mots qui lui viennent à l’esprit quand il l’a battu. Il ne lui a fallu pas plus de cinq minutes, incroyable pour quelqu’un ayant l’apparence d’un humain. Le corps du monstre gît à terre, une fine fumée argentée s’échappe du corps. Il s’approche et le palpe semblant chercher quelque chose. Mais il ne trouve rien
« Ce n’était qu’un simple soldat. Pourquoi envoie-t-il un simple soldat pour chasser un humain ? Surtout un humain comme lui. Etrange. »
Il soupire et regarde le serpent qui était resté. Le reptile le regarde aussi, posant ses yeux bleus sur les yeux noirs de Hearesed. Une traîné de fumée rose s’échappe de la peau autour de ces yeux océan.
Hearesed s’incline légèrement devant le serpent. Ils échangent quelques mots avant de se séparer.
Hearesed va rejoindre les autres au repaire. Il ne se presse pas car il sait qu’il doit des explications et il a horreur de cela. Mais il a certaines réponses à propos de certaines choses, mais comment leur expliquer ? C’est une autre paire de manche.