« Hey, salue-t-elle une première fois »
Le groupe lui rend son salut avec un certain enthousiasme, puis le silence… Siflora fait les cents pas sur le toit en se parlant, se rassurant, se disant que si elle arrive à parler assez longtemps elle pourra aisément leur parler. Le groupe se regarde en se disant qu’ils pourraient bien faire un petit effort eux aussi, mais lequel ?
L’esprit essaie à nouveau de se mettre à l’aise en respirant profondément. Elle allait recommencer à parler quand quelque chose l’en empêche. Ses oreilles bourdonnent, un son se propage en écho dans ses oreilles. Elle lève la tête vers le ciel, le souffle perturbé par la panique à cause de cet évènement si soudain.
Elle regarde à nouveau le groupe d’humain, puis part sans dire un mot de plus
« Reviens, crie Simon, ne part pas !
-Laisse là Simon, intervient le serpent aux yeux bleu le souffle difficile, elle doit partir. »
Les deux serpents sont aussi submergés par ce même écho, des bourdonnements dans leur appareil auditif. Madeleine les invite à rentrer de nouveau chez elle, tandis qu’elle s’occupe de débarrasser les corps restants, trainant autour de sa maison et sur le toit. Voyant que les serpents ont du mal à avancer Simon porte l’un d’eux, en le voyant Mumu décide d’imiter son action en prenant l’autre serpent. Le jeune homme lui sourit et ébouriffe gentiment les cheveux de sa protégée, qui lui rend son sourire.
S’installant confortablement dans le salon, sauf encore Kévin et Hearesed qui restent debout, laissant le fauteuil libre pour Madeleine pour quand elle reviendra. Les jeunes commencent à parler de ce qui vient de se passer. Tout est passé si vite qu’ils ont encore du mal à croire ce qui s’est passé dehors.
En voyant que le serpent qu’il tient ne semble pas aller mieux, Simon lui demande
« Que vous arrive-t-il ? »
Le serpent aux yeux bleu met un certain temps à répondre
« C’est la cloche de ma prison, elle a sonné.
-Et pourquoi vous avez mal à cause d’une cloche ? Demande Jimmy
-C’est grave mon garçon, répond le serpent, si la cloche sonne cela signifie qu’un prisonnier a réussi à s’évader. »
Personne n’ose dire quoi que ce soit après qu’il a parlé. Le reptile rajoute quelque chose à ses propres dires.
« Il ne peut s’agir que de l’évasion de l’hôte, dit-il d’une voix presque absente, mais comment ont-ils pu briser notre sortilège ? Mais d’une certaine manière, je n’ai pas très envie de le savoir. »
Madeleine était arrivée au courant de la discussion, avec un énorme livre dans ses bras qu’elle a récupéré après avoir nettoyé le vacarme de dehors. Son visage affiche une expression plutôt colérique mais aussi d’une certaine tristesse. Elle se pose lourdement dans son fauteuil et n’ajoute rien à la discussion.
« Il est si horrible que ça, demande Molty, ce soi-disant hôte ? »
Le serpent aux yeux verts hoche la tête de bas en haut frénétiquement. Depuis le début ce serpent ne s’est pas manifesté, on pourrait croire qu’il soit muet car il n’a pas parlé. Son alter-ego aux yeux bleu continue
« Cette question me rappelle que je vous ai promis de vous raconter une histoire, plus précisément un sauvetage…
-Oui, sursaute Mumu, raconte-nous cette histoire !
-Haha, rigole le serpent, je vais y venir. Cette histoire témoignera d’une partie de ce que cet être est capable de faire… »
Il regarde autour de lui pour voir si tout le monde est attentif, puis il commence
Cette histoire n’est pas si ancienne que cela. En réalité, ça s’est passé il y’a deux ans de cela, quelques jours avant que l’on capture l’hôte. Ce jour-ci était une journée particulièrement calme, aucune bataille ne se profilait à l’horizon, le ciel terrestre était bleu sans nuage, le soleil brillait, les oiseaux gazouillaient, enfin du côté des humains tout était aussi tranquille.
Un jeune ange, du nom de Caliel, volait innocemment accompagné de deux amis dans le ciel terrestre. Tout juste diplômés, ils profitaient de leur première ballade aux côtés des oiseaux divaguant avec eux dans le vent.
Mais la ballade, qui paraissait un poil anodin, allait prendre une toute autre tournure.
En s’approchant d’un village humain, observant les rues désertes, leurs yeux se posèrent sur une jeune humaine qui se promenait. Mais au même moment un sbire du clan des Spectres s’approchait de cette dernière.
Au début elle ne pouvait pas le voir, mais au fur et à mesure qu’il s’avançait son corps devenait peu à peu visible par les yeux de la jeune humaine. Mais à la distance où elle se trouvait au moment où la silhouette de ce sbire pouvait être distinguée par ces yeux était moindre. La créature allait se jette sur elle.
Heureusement que Caliel et ses amis étaient là ! Ils ont pu intervenir ! Mais en agissant, ils se retrouvaient trop près de l’humaine en se retrouvant dans le champ de vision de cette dernière, dérogeant par ailleurs l’ancienne version d’une des lois du Capital.
Mais pour l’heure, l’importance était de sauver cette humaine de la créature qui l’avait prise pour cible. En revanche le comportement de leur ennemi les intrigue. Il ne cherche absolument pas à les attaquer. Ils pensaient que c’est parce qu’ils étaient à trois contre lui.
La réalité est tout autre.
Derrière la créature, une silhouette s’avançait vers eux. Non seulement Caliel et ses amis la voyaient, mais l’humaine aussi. Pourtant ce n’était pas un simple humain, qui s’apprêtait à leur faire face. Il s’agissait du Maitre des Spectres, de son vrai nom Qwantro, qui arrivait face à eux. Il leur souriait d’une perversité qui faisait froid dans le dos.
Il échangèrent quelques mots, puis Qwantro lança des flammes en direction de la jeune fille. Instinctivement Caliel se jeta sur elle et utilisa une de ses ailes pour les protéger de ces flammes hors du commun. L’ami démon du jeune ange essaya de contrer les flammes violettes avec ses propres flammes mais il ne parvenait qu’à ralentir leur effet. Caliel protégea la jeune fille des flammes ennemies et alliées du mieux qu’il pouvait, mais la résistance a toujours une fin. Les flammes ennemies prenaient petit à petit possession de son corps, le paralysant, et se rapprochaient dangereusement de la jeune fille.
Heureusement le deuxième ami a pu, de son côté, s’enfuir et intercepter des soldats qui patrouillaient non loin de là. En voyant les secours arriver, Qwantro et son sbire s’enfuirent, laissant derrière eux deux jeunes sauveurs et leur petite protégée.
L’histoire que leur a raconté le serpent aux yeux bleu laisse bouche ceux qui lui ont prêté attention. Madeleine arbore un sourire et sèche quelques larmes. Bien qu’elle ait déjà entendu cette histoire, elle ne peut rester insensible face au courage de cet ange, Caliel, qui n’a pas hésiter à souffrir pour protéger une personne qu’il ne connaissait absolument pas.
« L’histoire de ce sauvetage a fait tellement de bruit, explique le reptile, qu’une discussion a été faite autour d’une des lois du Capital, personne ne voulait que ce trio soit puni pour ce sauvetage. Cependant l’attaque du Maitre des Spectres laissa des séquelles, malheureusement irréversibles…
-Que veux-tu dire par là ? Demande Molty
-L’humaine, continue le serpent, a profondément été traumatisée. Tellement, que rien n’a pu effacer ce souvenir de sa mémoire, elle est gravée à tout jamais dans son esprit et la hantera pour le restant de ces jours. »
Un petit silence lourd accompagne la fin de ces mots, avant qu’il ne se fasse briser par Mumu
« Et le petit ange ? Il lui est arrivé quoi ?
-Caliel n’a pas eu de chance.
-Il est mort, demande à son tour Simon
-Non, rassure-t-il, mais les blessures ont été conséquentes. L’attaque que lui a lancé le Maitre de Spectre a réussi à infecter non seulement son corps mais aussi son âme. Il était voué à obéir au moindre de ses ordres. Mais les dégâts qu’elles ont en même temps infligés à Caliel étaient telles que son corps n’a pas supporté et ne pouvait plus réagir à quoi que ce soit. Cela a pris un an avant de le délivrer de l’emprise de ces flammes. Il est depuis plongé dans un profond coma. Certaines de ses blessures ne sont d’ailleurs pas encore guéries et les médecins ne savent pas s’il pourra à nouveau voler un jour, tellement que l’une de ses ailes a été gravement endommagée par les flammes de l’ennemi. »
La plupart d’entre eux s’insurgent, se révoltent. Pourquoi un destin si tragique à ce héros ? Mumu ressent beaucoup de peine pour lui qu’elle a du mal à y faire face. C’est la première fois qu’elle ressent émotion de ce genre, qu’elle n’a pas l’expérience pour y faire face du mieux qu’elle peut.
Plaçant sa main sur sa poitrine, elle espère que ce pincement douloureux au cœur va bientôt partir
« Ça va Mumu, demande Simon d’une douce voix
-Oui, couine-t-elle en reniflant, mais c’est tellement triste. »
Des larmes pointent au bout de son œil gauche, Simon les remarque et les sèche. Il l’étreint doucement essayant de ne pas écraser les serpents sur leurs jambes, tout en frottant son dos pour la consoler.
« Mais il ne faut pas pleurer Mumu, tu l’as entendu ? Il n’est pas mort, et il va s’en sortir il y’a des chances.
-Oui mais ce n’est pas du jeu, argumente-t-elle, il est gentil et c’est lui qui n’est pas bien. Et en plus il ne pourra peut-être plus voler dans les aires. »
Simon continue de l’étreindre pour la consoler, souriant à sa réaction, tandis que les autres continuent de parler
« Quel affreux personnage, commente Molty
-Il n’a jamais éprouvé de pitié quand je le côtoyais, dit Hearesed, retenons aussi qu’il a voulu ma mort juste pour un coup d’état qui n’a même pas marché.
-En même temps, intervient Jimmy, tu l’as cherché, tu l’as trouvé. »
Hearesed regarde Jimmy d’un regard si profond que l’on a l’impression qu’il souhaite le tuer. Le petit garçon ne semble pas se douter que l’heure n’est pas à la rigolade, bien que ce qu’il a dit dégage une certaine vérité. De plus il ne comprend pas pourquoi Hearesed le regarde ainsi.
Madeleine racle sa gorge pour attirer l’attention de tous, leur montrant une double page du livre qu’elle a ramené.
« Solution pour lien profond, lit Kévin, donc c’est cette solution qui va permettre de délier Simon et Mumu de Fumigène ?
-Pas tout à fait, répond Madeleine, cette solution ne permet que de briser les liens unissant deux personnes qui se connaissent comme des membres de la même famille ou encore des amies, et même briser des couples. Le lien qui les unit n’est dû qu’a un accident magique, et uniquement de cause magique. Malheureusement, il n’existe pas de remède écrit ici pour cette cause. Je pourrais me baser sur cette incantions pour essayer de trouver une alternative mais il me faudra du temps.
-Le temps nous sera donc précieux, marmonne le serpent
-Je ferais mon maximum pour faire en sorte que se sera prêt le plus vite possible. »
Le deuxième serpent, celui aux yeux verts, qui était à présent si silencieux et effacé s’approche de son jumeau et semble lui chuchoter quelque chose. Les paroles sont prononcées si bas que personne d’autres ne peux les entendre, même pas Simon et Mumu.
« Ce serpent est tellement discret, plaisante Jimmy, que j’ai complètement oublié son existence.
-Elle ne sait pas parler, lâche soudainement le serpent aux yeux bleu, pas comme nous tous. Elle ne parle qu’avec des grognements ou de bruits dans notre forme normal…
-Piou !
-Mais dans cette forme, continue le serpent aux yeux océans, elle piaille. »
Jimmy commence à rire, il est bien le seul d’ailleurs. Molty est gêné par le comportement de Jimmy tandis que Kévin fronce des sourcils. Hearesed semblent indifférents à la réaction du petit garçon, Simon se contente juste de regarder.
Mumu câline le reptile qui a piaillé, trouvant cela si mignon. Et cela ne dérange absolument pas le serpent qui prend grand plaisir à profiter de cette étreinte.
« C’est justement à cause de cette réaction-là, grogne le serpent parleur en regardant Jimmy, qu’elle préfère rester en retraite ! Non mais tu n’as pas honte de rigoler grande bouche ouverte ? »
Cela suffit à faire taire le concerné, qui baisse la tête en murmurant un « désolé ». Madeleine se lève, les prévenant qu’elle va travailler et qu’ils peuvent rester ici le temps qu’il faut, et qu’ils sont les bienvenues dans sa maison. Ils la remercient de sa bienveillance, puis reprennent la discussion.
« Les personnes qui pourraient nous aider une première fois, suppose Hearesed, seraient Siflora et Xanto.
-Mais le seul moment où nous avons croisé les deux, dit Simon, c’était juste avant mais ils ont fini par partir.
-Ils avaient tous deux des raisons de partir, dit le reptile aux yeux bleu, nous pouvons toujours aller au sanctuaire et les appeler. Mais cela ne sert à rien d’obtenir de l’aide si nous n’avons aucune idée de comment aller à la rencontre de l’ennemi pour le vaincre définitivement.
-Nous pourrions toujours l’appâter ? Propose Kévin
-Il y’a de forte chance qu’il ne viendra pas en personne, répond le serpent, et nous attaquer à ses soldats ne nous fera que perdre notre temps. Le problème au fond n’est pas le clan en entier, mais juste le chef. C’est lui le pilier le plus important, la source de cette haine collective. Pour gagner il ne faut pas réduire à néant ce clan, ce serait commettre une grave erreur, mais il est impératif de réussir à les libérer. Ne nous abaissons pas à leur niveau, nous leur feront que donner raison pour cette guerre.
- Rappelez-vous, dit Hearesed, que ce clan n’a jamais été comme cela. Mais que c’est à cause d’une haine collective qui a d’abord touché le chef, et qui s’est propagée dans ses rangs parce qu’ils le suivaient aveuglement. Cette haine s’est transformée en une espèce de maladie dangereuse et contagieuse et le seul moyen de guérir tout le monde et de s’attaquer à la source.
-L’attaque qu’il a utilisé contre Caliel, explique le serpent, transmet justement une partie de cette haine en essayant de prendre contrôle de la personne. Et c’est cette maladie, si l’on peut dire, qui a mis tant de temps à guérir. S’il faut un an et la lumière de plusieurs médecins pour guérir cette contamination dû a une attaque, je n’ai pas envie d’imaginer ce qu’il faut pour éradiquer cette essence négative une bonne fois pour toute dans tout un clan.
-C’est, commence Simon, comment dire… Compliqué tout ça.
-Retenez que s’il vous attaque, récapitule Hearesed, et qu’il réussit à vous toucher, vous êtes game over surtout vous quatre… »
Il montre son interlocuteur mais aussi Mumu tout en visant les serpents sur leurs jambes. Eux aussi sont dans une posture délicate, mais contrairement aux humains ils n’ont aucune peur de faire face à Qwantro. Ils possèdent en plus des attaques pour se défendre contrairement à Mumu et Simon qui n’ont qu’une hache, oubliée dans le repaire.
« Vous êtes ce qu’il y’a de plus précieux, comme des cristaux. Nous, nous sommes votre protection. Il ne faut absolument pas vous perdre… »
Cela rajoute une certaine pression sur les épaules des deux humains. Le moindre faux pas qu’ils peuvent faire ne pourrait que leur apporter préjudice. Le futur se repose en quelque sorte sur eux.