Les lianes qui paraissaient froides à l’extérieur, sont fluorescentes à l’intérieur. Il en existe plusieurs colories qui se marie bien entre eux. De la poussière lumineuse s’échappe de ces lianes, s’envolant dans le ciel, quand les filles les poussent pour passer. Mumu regarde ces petits points lumineux voler dans les airs, émerveillée.
Arrive le moment où elles mettent pieds dans une clairière d’herbe et de fleurs au multiple couleurs fluorescente, entre le bleu et le magenta sur le spectre chromatique. Quelques plantes immenses sont présentes et s’éloignent d’elles, leur laissant volontiers la place.
« Des plantes carnivores, explique Anasthasia, elles mangent ceux qui ne sont pas reconnus comme étant membre du clan des Spectres. Mais ne t’inquiète pas, elles ne mangent pas les humains, ils auraient trop mauvais gout pour elles. »
Mumu regarde les plantes carnivores, qui la regardent aussi, alors que Anasthasia lui apprend des choses sur ces plantes
« Elles sont gentilles de manière générale, mais je pense qu’elles ont peur à cause de cette sombre période.
-Celle quand Qwantro était emprisonné ?
-Oui. »
Les plantes carnivores disparaissent derrière les lianes des saules pleureurs, laissant la petite clairière aux filles.
« Ce n’est pas spécialement cette clairière que je voulais te montrer, vient. »
Anasthasia guide Mumu vers une autre direction d’où sont parties les plantes, et s’enfoncent plus profondément dans la forêt de saules pleureurs. Cette fois-ci, elles y marchent plus longtemps et les lianes deviennent de plus en plus denses, rendant plus facile le fait de pouvoir s’y perdre. C’est pourquoi Mumu accélère la cadence pour éviter de perdre de vue la démone à la peau bleue. Elles finissent par arriver devant de grosses feuilles qui font office de rideaux. Anastasia les écarte tout en parlant à Mumu
« Bienvenue, à la Cascade des abandonnés. »
Mumu s’avance dans cet endroit, bouche bée, encore plus émerveillé que ce qu’elle était dans la petite clairière.
Les nuances fluorescentes de l’herbe et des fleurs y sont encore plus intenses. Des petits points de lumières se baladent dans le ciel, comme s’il y’avait des lucioles qui dansent. Une cascade chute, non loin d’elles, l’eau tombante forme une petite rivière tranquille d’une couleur bleu clair, très clair que l’on croirait qu’elle brille. Le sol de cette rivière brille énormément, comme si des diamants constituent le sol.
« C’est ici que les personnes vont quand elle se sentent abandonnées, explique Anasthasia, afin de réfléchir à des solutions. Mais ce lieu à quelque chose d’enchanté, comme si on ne pouvait pas se sentir mal ici. Cet endroit à beaucoup changé depuis ma dernière venue ici.
-Tu te sens abandonné ? »
La démone ne lui répond pas se contentant de se rapprocher de la rivière. Mumu la suit dans le doute, l’observant dans le moindre de ses mouvements. Anasthasia se baisse près de la rivière, plongeant l’une de ses mains dans l’eau, puis son bras tout entier. Elle semble chercher quelque chose.
Elle sort son bras, dans sa main se trouve un petit diamant brut.
« Oui en quelque sorte, répond Anasthasia
-Ba pourquoi ?
-C’est assez compliqué. »
Elle lui donne le diamant, puis elle va s’assoir sur un rocher translucide, observant Mumu
« Si tu veux explorer cet endroit tu peux, dit la démone en relevant ses lunettes, je ne t’y empêche pas.
-Mais moi je veux savoir pourquoi tu te sens abandonnée, je m’inquiète pour toi. »
L’humaine regarde la démone avec un gros œil et la fluorescence qui émane du lieu brille dans ses yeux. Anasthasia se sent démunie par son regard, mais elle secoue un peu sa tête pour se reprendre.
Elle lui répond très franchement
« Je ne pense pas que ça soit une bonne idée. »
Son interlocutrice hoche la tête tristement puis s’éloigne afin d’explorer cet endroit laissant la démone seule. Cette dernière en profite pour réfléchir à sa vie si elle a encore un sens, aux décisions qu’elle a prises et qui l’a menée ici. Dans le fond elle ne les regrette pas, mais son véritable chez elle lui manque quand même, tout comme son père avec qui elle s’est disputée avant de partir.
Au fond c’est difficile de s’émanciper lorsqu’on entretient de mauvais termes avec des personnes pour qui on éprouve quand même de l’amour, familiale ou tout autre.
Que penserait-il si sa propre fille à rejoins un autre clan, un clan qui est pourtant l’ennemi de son clan natal ? Il serait déçu, il n’y aurait aucun doute, mais aussi déshonoré surtout en sachant le métier qu’il exerce. Est-il déjà au courant ? Elle ne sait pas et n’espère pas.
Mais que lui arrivera-t-il à la fin de toute cette histoire, une fois que son père le saura ?
Elle médite, repensant aussi à la première fois où elle a mis les pieds sur ce lieu. C’est profondément envahi de souvenir que plus aucune attention n’est accordée à Mumu.
En se réveillant de sa transe elle ne voit plus l’humaine. Elle panique, descendant rapidement du rocher. Le Maitre sera furieux s’il apprend qu’elle a perdu la prisonnière.
Elle l’appelle à plusieurs reprises, et assez fort. Plus elle l’appelle, plus sa panique grandit de plus en plus. Mais en l’entendant lui répondre la démone se soulage immédiatement. Mumu était juste cachée derrière un énorme champignon
« Pitié ne te caches plus comme ça, dit-elle encore perturbée.
-Désolé. »
Pour se faire pardonner, Mumu lui tend un petit champignon de couleur bleu. Le même bleu que la peau d’Anasthasia. Elle sourit à son geste en le prenant et la remercie.
« J’ai l’impression que tu penses beaucoup, dit Mumu, et que tu n’es pas très très en forme.
-Rien de particulier, c’est juste que cet endroit rappelle beaucoup de souvenirs. Certains de ces souvenirs sont agréables.
-Ah bon ?
- Oui mais d’autres le sont beaucoup moins. »
Mumu la regarde silencieusement, Anasthasia continue
« Je me suis disputée avec mon père avant de partir de la maison, pour une chose un peu stupide. Et je m’en veux.
-Il suffit de lui dire pardon !
-Oui mais non, il y’a certaines choses qui font que je ne peux plus, ou que je ne peux pas pour l’instant. »
Elle regarde le ciel, il est un peu plus sombre qu’avant
« Nous allons rentrer, cela fait déjà plus d’une bonne heure que nous sommes dehors. »
Mumu semble déçue mais ne rechigne pas, elle est gentille avec elle après tout.
Le chemin du retour se fait sans encombre, elles n’ont plus recroisé les plantes carnivores dans la clairière. La sortie de la forêt marque un coup dur, tel qu’un retour à la réalité. Bien que le ciel partage la magie de l’apparence avec le lieu emboisé, l’adolescente trouve à présent que le monde des Spectre parait bien plus triste. Cette différence ne lui semble pas du tout naturel. A force de regarder le ciel, Mumu retrouve peu à peu le charme de cette dure réalité.
Quand elles arrivent près de la tour noire, une activité plutôt intense se fait remarquer. Une personne à l’apparence humanoïde s’approche d’elles. Cette personne regarde Anasthasia, voulant lui parler. Elle l’écarte un peu de Mumu le temps qu’il faut, puis la démone revient vers elle.
« Il faut que j’y aille, dit-elle en regardant autour d’elle, c’est très urgent »
Elle voit Dalakar se promener. Prenant la main de Mumu elle l’emmène vers l’imposant dragon. Sa main est tellement froide que c’en est assez inquiétant. Le reptile les voit arriver, et sent déjà l’entourloupe arriver.
« Salut Dalakar je te la confie, se dépêche de dire Anastasia, on me réclame pour quelque chose ! Merci je te revaudrai ça, allez tchao ! »
La démone court rejoindre la mystérieuse personne qui était arrivée plutôt, laissant Mumu sous la garde du dragon. Dalakar regarde l’humaine, qui cette dernière la regarde ébahit de sa grande taille. Amusé par un comportement dont il n’a plus l’habitude de voir, il lui dit en riant.
« Allez viens petite. »
Mumu suit le dragon d’un air tout joyeux, et lui demande
« Elle va faire quoi Anasthasia ?
-Quelque chose d’important, mais ne t’inquiète pas j’ai de quoi t’occuper le temps d’attendre son retour.
-Ah bon quoi ? »
Le dragon barbu réfléchit, il n’y a pas vraiment pensé. Il disait juste des paroles en l’air et allait vraiment réfléchir à cette question pendant le trajet. Cependant il trouve de quoi lui répondre.
« Je peux te raconter des histoires.
-Oh chouette ! Des histoires, j’adore ça ! »
Elle trépigne déjà d’impatience. Le dragon se pose dans un coin invitant la jeune humaine à s’assoir contre lui. Il commence donc à lui raconter une histoire. Mumu finit par s’endormir, bercée par les histoires et la douce et rocailleuse voix du dragon. Il la regarde attendri par le petit corps endormi de l’humaine et la surveille attentivement comme une maman poule.
Le Maitre des Spectres les aperçoit au loin, se dirigeant à l’endroit où il va retrouver Anastasia, mais ça il ne le sait pas. On lui a dit qu’une bonne nouvelle était à prévoir, il se demande bien sur quoi il s’agit.
En voyant Mumu blottie contre le reptile il se demande bien une chose : est-elle véritablement leur prisonnière ? Ou eux prisonniers par le charme qu’elle dégage ?
Elle a réussi à raviver en lui de profonds souvenirs qu’il avait reniés, enterrés, mis de côté et qu’il pensait pouvoir oublier pour toujours. Mais ce n’est pas le cas. Ils ont persisté en sa mémoire et les revoilà, l’envahissant à nouveau depuis cette fameuse question : « Edouard ou Qwantro ? »
Edouard, ce prénom qu’il a aussi renié faisant parti de son passé, qu’il s’est servi comme une vulgaire couverture, revit à nouveau en lui.
Il se souvient des perfusions, de ses fauteuils roulants, du regard de pitié lancé par toutes les personnes. Il se souvient du stupide gamin qu’il était, s’accrochant désespérément.
Rien que le fait de regarder l’électrocardiogramme confirmait les dires qu’il entendait depuis longtemps.
Il allait mourir d’une des conséquences de sa maladie.
Les soignants et sa famille l’ont soutenu dans toutes les étapes de sa vie.
Il s’est menti a lui-même, sur son état final. Il savait pertinemment la maladie qu’il avait, il est impossible d’être ignorant de cela, malheureusement il a fallu que cette complication survienne.
« Tu remarcheras un jour mon chéri, promis. Tu pourras vagabonder comme tu le souhaites ! La médecine est sur la voie du progrès ! » ; « Ils sont cons ne les écoute pas, tu as un bon cœur, tu es fort. »
Tels sont les types de phrases qui lui ont été mainte fois répétées durant cette période compliquée de sa vie. Ces phrases se voulaient rassurantes, et ont alimenté son espoir dont il refusait de s’en séparer.
« Je peux très bien me débrouiller seul, merci » ; « Ce n’est pas parce que je suis en fauteuil roulant, et que j’ai du mal à bouger qu’il faut me regarder ainsi ! » ;
Telles sont les phrases qu’il a mainte fois répétées, pour des personnes qu’il regrette d’avoir rencontré. Tant qu’il ne demandait pas de l’aide, il ne voulait pas en recevoir. Mais certaines personnes se faisaient insistantes, et ça il ne supportait pas ça. A contrario quand il demandait de l’aide personne, à part sa famille, ses professeurs au lycée et le personnel soignant, ne venait l’aider. Mais il leur fallait quoi aux autres pour comprendre ?
Il était assez grand pour comprendre le sort qui lui a été réservé, même s’il était triste. Il a voulu être au courant de son état le plus tôt possible. Cela a été compliqué de tout accepter, mais c’était inévitable.
Il était resté encore un temps au lycée, avec un emploi de temps aménagé. Il n’y avait qu’un seul camarade qui avait fini par s’intéresser à lui, à la personne qu’il est réellement, et à l’accompagner. Ce même camarade avait du mal parfois à porter toutes ses affaires, il demandait de l’aide aux autres.
Mais pour cela son ami a été obligé de payer les ‘’volontaires’’.
Quand il a appris cela, il était en colère. Ces jeunes sont tous corrompus. L’argent gouverne le monde et rend les hommes esclaves à cette chose. Beaucoup de personnes sont cupides faisant tout pour des bouts de métal et de feuille, même commettre des actes insensés.
Son état a empiré après cette période de colère. Il dû être amené d’urgence à l’hôpital. Pour lui s’ils étaient capables de ça, tous les autres humains en sont capables aussi. Sa haine s’est généralisée à toute la population humaine, alimentant son faible corps qui s’est fortifié grâce à ce cadeau empoisonné. Il les trouve répugnant, il se trouve répugnant aussi mais il se sent en quelque sorte lavé en se disant qu’il fait partie du clan des Spectre, bien qu’une partie de son humanité reste enfoui en lui.
Il passe sa main dans ses cheveux il vient à serrer sa mèche blonde rebelle, vestige de son ancien ‘’moi’’ qui refuse de partir, ne sachant pas pourquoi. Il a essayé à plusieurs reprises d’enlever cette mèche, mais elle finissait par toujours revenir, comme si elle voulait lui faire passer un message.
Mais encore faut-il savoir lequel. Au fond, son âme n’est certainement pas si contaminée par cette haine maladive ? Et s’il restait une partie de son ancien lui, une partie remplie d’une énergie pure que cette haine ne peut combattre ? Serait-ce une profonde pureté ?
Il regarde attentivement Mumu.
À moins que cela soit au fond une espèce de sympathie ?